صورة تجمع حاكم مصرف لبنان مع الصحافي مارك بارلمان
سنتيا تبشراني
لا يزال الحديث الأخير لحاكم مصرف لبنان رياض سلامة الذي خصّ به France 24، يثير جدلاً داخل المجتمع اللبناني بعدما ذكر في المقابلة التي أجراها معه الصحافي Marc Perleman، ردًا على سؤال حول استقرار سعر صرف الليرة إزاء الدولار منذ العام 1997 والوسيلة الناجعة للخروج من هذا التخبّط: “حان وقت تحرير سعر الصرف، لأنّنا بذلك ننتقل إلى مرحلة جديدة من الاستقرار، كما أتمنّى”. وعندما سأله المحاور الفرنسي أنّه لا بدّ من وجود تكافؤ في عملية سعر الصرف بين الليرة والدولار، أجاب في السؤال التالي (راجع النصّ بالفرنسيّة): “يجب التفاهم مع صندوق النقد الدولي بهذا الشأن، على أن يكون لنا تدخّل كي لا نفقد السيطرة”.
معلوم أنّ موضوع تحرير سعر الصرف، كان من شروط صندوق النقد الدولي لإعادة التوازن إلى السوق المالي ومن ثمّ الاقتصادي، لأنّ تحرير هذا السعر، يمكن أن “يعيد الحياة إلى ميزان المدفوعات الذي حقّق عجزًا في العام 2020 بقيمة 12 مليار دولار، على رغم انخفاض الاستيراد بنسبة كبيرة نتيجة الضوابط التي تمّ وضعها”، كما يقول الخبير المالي والاقتصادي د. بلال علامة، في حديثٍ صحفيّ له، علمًا أنّ اقتراح تحرير سعر الصرف ورد في الخطّة الاصلاحيّة التي وضعتها الحكومة المستقيلة، بناءً على طلب من صندوق النقد الدولي نفسه.
ولكن ما هي مخاطر تحرير سعر الصرف بالمطلق، وفي هذا الظرف الاقتصادي والمالي المأزوم؟
في الحالات العادية، أي عندما يكون للبنك المركزي قدرة على التدخّل بضخّ العملة الخضراء إذا وجد أنّ العرض قليل وسعر صرف الليرة يتراجع كثيرًا، فلا خطر من اتّخاذ هذا القرار، وفق بعض الخبراء الاقتصاديّين. ولكن في الوضع الذي نحن فيه مع وجود سعر رسمي وسعر منصّة وسعر في السوق السوداء، فإنّ هذا التعويم يشكّل خطرًا كبيرًا على لقمة عَيْش المواطن، خصوصًا في ظلّ غياب حكومة وخطّة واضحة، وطبعًا بعد التفاوض مع صندوق النقد الدولي، من دون أن ننسى عامل الثقة كي لا يؤدّي التعويم إلى خروج الأموال من لبنان. وبما أنّ ما تحدّث عنه الحاكم لا يمكن إقراره قبل التفاوض مع صندوق النقد الذي لن يساعد لبنان قبل تشكيل حكومة إنقاذيّة، فستبقى الأمور على ما هي عليه حاليًا.
لا بدّ من الإشارة هنا إلى أنّ حاكم مصرف لبنان دافع عن نفسه وهو يردّ على أسئلة المحاور قائلاً أنّه “لا بدّ أوّلاً من إعداد ميزانيّة لا تؤدّي إلى عجز، ومن ثمّ إعادة هيكلة القطاع المصرفي، وقد بدأنا به كبنك مركزي، وثالثًا الخروج من نظام تثبيت سعر الصرف وحالة الفوضى السائدة بوجود ثلاثة أسعار للصرف. ولا بدّ أخيرًا، وهذا هو الأهمّ، تشكيل حكومة قادرة على تحقيق الاصلاحات والتي من دونها ستزداد الأمور سوءًا”. إلى ذلك، تناول في هذه المقابلة مواضيع مختلفة سبق أن تحدّث عنها في مقابلات تلفزيونيّة سابقة وفي إطلالاته الإعلاميّة العديدة.
تبقى إشارة إلى أنّ الحاكم رياض سلامة عندما سأله المحاور إذا كان يفكّر بالاستقالة، أجاب: “أنا لا أستقيل تحت الضغط، وهناك خطّة وضعتها مع زملائي في البنك المركزي لإعادة تسوية الأمور وإيجاد حلّ بدلاً من الاستقالة لأنّني أحبّ بلادي”. وسُئل، وإذا لم تمشِ الأمور، هل تغادر؟ أجاب: “أتمنّى أن تمشي الأمور التي لا أرى أنّها من الأمور الميؤوس منها”. سأله: هل تًعطي أشهرًا؟ ردّ بالقول: “تمامًا”.
Q: Le Liban est en cessation de paiement pour la première fois de son histoire. Il est sans gouvernement, la population traverse une crise économique terrible. Est-ce que le Liban est au fond du gouffre ou est-ce que la situation peut encore empirer ?
R: La situation est difficile, elle peut empirer si un gouvernement n’est pas formé rapidement parce qu’il faut rétablir la confiance. Il y a 3 piliers pour cette confiance : la première c’est faire un budget qui présente moins de déficit. Il faut négocier avec les créditeurs parce qu’il y a eu de la part du gouvernement une décision de ne pas payer les dettes internationales. Deuxièmement, il y a la réforme du secteur bancaire que nous avons commencé en tant que Banque Centrale, et troisièmement, il y a la parité de la livre Libanaise où nous devons sortir de ce système où il y a trois prix et de la spéculation pour profiter des marges qu’il y a entre ces trois prix. Tout ceci nécessite un gouvernement et s’il n’y a pas de gouvernement la situation peut empirer.
Q: Et on n’est pas prêt d’avoir un gouvernement ?
R: Pas pour le moment d’après ce qu’on voit.
Q: Alors le Parlement a adopté fin Décembre une loi qui prévoit la levée du secret bancaire pendant un an, et ceci devrait permettre notamment quelque chose réclamé par la communauté internationale comme une des conditions pour débloquer l’aide. A savoir un audit juriscomptable de la Banque du Liban. Il y avait un cabinet d’audit qui avait été nommé et qui a jeté l’éponge il y a quelques semaines en affirmant que la Banque du Liban ne donnait pas toute l’information: La Banque Du Liban disant: on ne peut pas, c’est le secret bancaire. Est-ce que maintenant vous allez donner toutes les informations demandées par l’audit qui devrait avoir lieu?
R: D’abord je dois préciser que nous n’avons jamais été contre l’audit juriscomptable. Nous avons donné les comptes de la Banque Centrale en tant que tels. Là où on avait un empêchement légal, c’était le compte des tiers : le gouvernement et les banques. Et là il fallait légalement prendre l’initiative de chercher la loi du secret bancaire ou la suspendre. Le Parlement l’a fait ce qui prouve que nous avions raison qu’il y avait une raison juridique pour cela. La Banque Centrale a déjà averti le gouvernement que tous les comptes des tiers en plus des comptes de la Banque Centrale qu’on avait déjà donné à la disposition du gouvernement.
Q: Le président français Emmanuel Macron est venu au Liban deux fois. Il a critiqué d’une façon très violente les élites Libanaises. Il a aussi critiqué ce qu’il a appelé une pyramide de Ponzi qui avait été mise en place dans un système où vous êtes accusé de jouer un rôle central à savoir : la banque Du Liban pour résumer aurait attirer les dépôts en dollars des banques commerciales en leur offrant des taux d’intérêts extravagants et que du coût ca a été une espèce de fuite en avant et que à partir du moment où il ya eu une crise , tout s’est effondré et que vous êtes vous responsable
R: D’abord je voudrais dire que nous apprécions en tant que Libanais et moi-même les initiatives du président Macron envers le Liban en ces moments difficiles.
Deuxièmement, la Banque Centrale en regardant les chiffres depuis 2017 jusqu’à septembre 2020 dans ses transactions avec les banques ont donné aux banques tous les dépôts ou tous les flots qu’ils avaient amené en devises. Et en plus de cela, elle a contribué à 13 milliards de dollars d’injection dans le secteur bancaire. Là où tout le monde se trompe c’est que les fonds qu’il y avait dans les banques, la liquidité en devises dans les banques a été essentiellement absorbée par les importations. Nous avons importé entre 2017 et 2019 pour plus de 65 milliards de dollars ce qui est énorme pour le Liban et c’est la raison essentielle du manque de liquidité. Les audits qui vont se faire vont démontrer cela.
Q: Quand le président Macron utilise pyramide de Ponzi évidemment cela évoque Bernard Madoff aux Etats-Unis et donc cela veut dire quelque chose de frauduleux et certains vous accusent d’avoir offert ces taux extravagants à des banques parce que ce sont des banques puissantes contrôlées par des clans politiques puissants et qu’il y avait une sorte de quiproquo entre les deux : ok je vais obtenir de l’argent pour financer le gouvernement et en échange je fais plaisir aux banques.
R: Les taux d’intérêts qui ont été payés au Liban et là les audits vont le démontrer aussi étaient inférieurs à ceux qui étaient payés en Egypte ou en Turquie. Deuxièmement, les banques qui ont placé à la banque centrale l’ont fait volontairement. Ils n’ont pas été forcés à le faire par des circulaires. Les banques n’avaient pas tous leurs placements à la Banque Centrale. C’est-à-dire que les banques n’ont même pas acheté les papiers de la dette libanaise directement entre eux et le gouvernement. Et quand il y eu le défaut de paiement les banques libanaises avaient 14 milliards de dollars de bond de trésor qui se sont évaporé.
Q: Vous rejetez votre responsabilité ?
R: Il n’y a aucune responsabilité et d’ailleurs si la Banque Centrale avait été mal gérée. Aujourd’hui tout le pays vit sur les fonds qui sont à la Banque Centrale.
Il y a à peu près 17 milliards de dollars à part l’or et si c’était vrai qu’il y avait du Ponzi ou du Madoff on n’aurait pas pu tenir un an 3 mois et ne pas avoir une banque qui a fait faillite parce que la Banque centrale a pu procurer de la liquidité au système bancaire et les importations auraient été très difficiles pour le pays s’il n’y avait pas les devises de la banque centrale.
Q: Y a pas eu des contrôles des capitaux donc aujourd’hui les Libanais ne peuvent pas retirer leur argent à la Banque. Ils en souffrent, ils s’en plaignent mais on s’est aussi aperçu que certains Libanais peut-être bien connectés ou bien placés ont pu sortir de l’argent. Certains ont estimé qu’il y a 6 milliards de dollars qui sont sorti du Liban. Est-ce c’est un scandale comme le disaient beaucoup et que faire ?
R: Qu’est-ce qu’il y a eu comme sortie de fonds entre octobre…
Q: Il y en a eu? Parce que les Libanais ne peuvent pas sortir leur argent.
R: C’étaient des Libanais qui les retiraient à l’époque. Donc c’est 2 milliards 600 millions de dollars qui sont sortis durant cette période dont 1 milliard 600 millions de dollars pour des banques correspondantes et 1 milliard pour des Libanais. Les Libanais ont retiré durant les derniers douze mois à peu près 30 milliards de dollars de leurs comptes dans les banques. Ils ont utilisé 20 milliards de dollars pour couvrir des prêts et ils ont en liquides aujourd’hui ici ou ailleurs je ne sais pas qu’est ce qu’ils en font à peu près 10 milliards de dollars. Ce n’est pas vrai que Les Libanais n’ont pas eu accès à leurs fonds. Vous savez que même dans les pays les plus avancés si tout le monde veut retirer son argent ce sera une crise. Donc la peur et la panique a exaspéré la situation.
Q: Mais aujourd’hui, les Libanais ont beaucoup de mal à retirer des dollars dans les banques. C’est une vérité alors que certains ont pu l’envoyer là où ils voulaient. C’est un scandale ou pas ?
R: Les Libanais peuvent retirer. Je ne suis pas là pour défendre les banques mais il faut être réaliste. La monnaie du Liban c’est la livre libanaise. Et quand vous voulez retirer des dollars vous devez au préalable avoir amené des dollars au Liban. Or comme je vous ai dit les dollars qui ont été amenés à la banque centrale ont été repris par les banques. Et ce sont les importations qui ont absorbé la liquidité et non le système dont vous parler.
Q : Est-ce que la stabilité du taux de change, la parité entre la livre et le dollar a été votre volonté pendant des années et cela a été une réalité pendant des années Est-ce que vous la regrettez aujourd’hui, on voit bien qu’aujourd’hui tout cela est parti en fumée ?
R: Non je ne la regrette pas parce que cette stabilité a permis au Liban de se développer et puisque vous avez cité le président Macron, il a parlé de l’âge d’or du Liban et c’était durant cette période de stabilité.
Q: Mais aujourd’hui, qu’est-ce qui va se passer ?
R: Il y a aujourd’hui ces piliers de la confiance, il y a un projet de négociation avec le Fonds Monétaire International (FMI), il faut réunifier le prix de change, le marché le fera et nous irons vers une nouvelle période de stabilité je l’espère.
Q: Il faudra une parité pour un taux de change flottant ?
R: Il faut s’entendre avec le Fonds Monétaire International (FMI), le taux de change sera flottant mais il y aura des interventions pour qu’il n’y ait pas des excès.
Q: Dans un article qui est paru il y a quelque mois maintenant, il est fait état d’investissement que vous et votre famille avaient fait dans l’immobilier en Europe. Vous avez affirmé que c’était votre argent, l’argent que vous avez gagné avant et que cela n’avait rien à voir avec votre poste maintenant. Mais il y en a quand même des détails que ces biens immobiliers détenus par des sociétés basées au Luxembourg, au Panama. Est-ce que vous pouvez affirmer que vous et votre famille proche ne géraient pas vos biens à travers des sociétés offshores comme on le dit ?
R: D’abord, j’ai été le 8 avril 2020 à la télévision et j’ai déclaré devant toute l’opinion publique qu’avant d’être gouverneur en 1993 j’avais un patrimoine de 23 millions de dollars et j’ai montré les documents. Et j’ai fait ce patrimoine géré par des tiers dans lesquels j’ai confiance et parce que mes fonctions de gouverneur ne me permettent pas d’être actif. J’ai travaillé 20 ans avant dans le secteur privé et ce n’est pas quand je suis devenu gouverneur que j’ai fait un patrimoine.
Q: La question est : est-ce qu’un banquier central peut avoir des sociétés écran à gérer même s’il les avait gagnés avant ?
R: Ce ne sont pas des sociétés écran je regrette ce sont des sociétés dûment enregistrées et légales avec mon propre nom comme bénéficiaire. Il n’y a rien de caché là dedans et d’ailleurs ceux qui ont fait l’article ont pu retrouver à travers les registres de commerce mon nom attaché à ces sociétés. Donc, il n’y avait rien de caché et rien d’illégal. Vous savez depuis quand vous êtes dans l’immobilier et les affaires dans les immobiliers se font à travers des sociétés. Elles ne se font pas en noms propres. Donc il n’y a jamais eu de désir comme ça a été insinué de cacher quoi que ce soit puisque ce sont des sociétés clairement enregistrées avec légal et non écran. Et avec le système bancaire qu’il y a aujourd’hui de par le monde, les banques avec lesquelles ces sociétés traitent, connaissent exactement l’identité du bénéficiaire.
Q: Conclusion M. Salamé, est ce que vous avez l’impression, pendant des années vous avez été admiré, le sauveur du Liban au milieu du chaos politique économique et parfois sécuritaire. Aujourd’hui, vous êtes très vivement critiqué est-ce que vous avez l’impression que vous servez de bouc émissaire y compris pour certaines politiques qui trouvent que c’est peut-être pratique d’accuser le gouverneur de la Banque du Liban du tort qui leur appartient aussi ?
R: Oui je suis un bouc émissaire parce que c’est caricatural de vouloir accuser la Banque Centrale du Liban de ce qui se passe aujourd’hui puisque on n’a pas voix au chapitre. Nous ne faisons que le financement et la loi nous oblige de financer mais nous ne faisons pas les dépenses. Nous n’avons aucun pouvoir pour créer des réformes. Nous avons demandé qu’il y ait des réformes et à plusieurs reprises, mais nous n’avons pas les pouvoirs nécessaires pour réaliser cela.
Q: Est-ce que vous accusez la classe politique de vouloir vous abandonner et de vouloir vous faire porter le chapeau si je peux utiliser l’expression ?
R: La classe politique à intérêt à cela évidemment. Il peut y avoir aussi des motifs idéologiques et politiques et il peut y avoir des gens ambitieux. Il y a de tout dans une crise. Mais cet acharnement continuel et quotidien sur la Banque Centrale et son gouverneur que ce soit dans les fonctions qu’il remplit ou à titre personnel n’est pas accidentel. Oui ils veulent me faire un bouc émissaire
Q: Est-ce que vous avez songé ou vous songez à démissionner ?
R: Je ne démissionne pas sous la pression et il y a un plan que j’ai mis pour essayer avec mes collègues de la Banque Centrale de rétablir les choses et trouver la solution pour faciliter aurait été de démissionner et pris le choix d’essayer de mettre en place- car j’aime mon pays-un plan de sortie de crise réaliste à un moment où il n’y a pas de gouvernement depuis 5 mois et des négociations avec le Fonds Monétaire International (FMI) ne peuvent pas avoir lieu. Ceci dit, je ne suis pas un homme heureux là où je suis justement à cause de cette injustice.
Q: Et si votre plan ne marche pas, vous allez quitter ?
R: J’espère que ça ira, ce n’est pas désespéré.
Q: Vous donnez quelques mois ?
R: Exactement.